jeudi 9 décembre 2010

#273 – Photographie

Une rue de Montmartre. Une rue balayée au vent mauvais par un homme vert et noir au sourire blanc. Les pieds dans le caniveau, il vous regarde passer. Vous le saluez sans oser entamer la conversation de peur de réveiller sa nostalgie et de savoir comment il vit, loin des siens et dans quelle misère… Vous marchez ensuite vers l’autre rive alors que le ciel menace. Sur le boulevard St Michel, vous croisez le sourire d’une belle qui fuit vers le jardin du Luxembourg sous son parapluie tout luisant de paradis. Souvenir d’une autre... C’était hier votre vie. Hier était la ville, hier était l’amour. Qu’est devenue celle qui vous tenait le bras sur le quai Malaquais, tandis que gonflaient les bourgeons de mai ? Toujours, toujours... Vous hâtez le pas, soudain pressé de rentrer chez vous et de la retrouver. Ombre parmi les ombres du passé.


Sur cette photographie d’elle prise par vous, elle sourit adossée à un mur marqué encore par 807 impacts de balles de la libération de Paris. Vous aviez pris du temps pour prendre ce cliché. C’était bien avant les appareils numériques. Elle était patiente mais un peu agacée. Tandis que vous brandissiez votre cellule sous son nez pour mesurez la lumière, son sourire s’éteignait. Il revint lorsque vous avez braqué sur elle votre objectif mais ce n’était qu’un sourire de politesse pour ceux qui retrouveraient la photo en fouillant dans une vieille malle oubliée des vivants. Un sourire triste qui vous disait adieu. Vous découvrez en examinant attentivement ce cliché que son regard passe au dessus de vous sans vous voir.


Par la fenêtre vous observez la rue mouillée qui luit sous les néons. L’homme vert reviendra demain. Son balai à la main, il s’arrêtera un instant pour répondre à votre salut et vous sourire. Vous continuerez votre chemin le cœur un peu plus léger.

2 commentaires:

M agali a dit…

Au bord du quai Malaquais
Coule la Seine
Et les regrets du mois de mai
Les amours de Joël,
Faut-il qu'il s'en souvienne?
Oui, pour nous rappeler
Que la nostalgie n'est pas la peine
Mais son poignant et doux reflet...

A quand ce roman, ce recueil, Joël? quand soulèveras-tu ce boisseau?

(je ne résiste pas au plaisir de vous recopier le code, qui aurait fait le bonheur de Jean Tardieu:
MYSTOCR)

Joël H a dit…

Bientôt Magali, bientôt...