vendredi 29 octobre 2010

#232 – Sous les projecteurs

Devant le miroir, grimaces pour détendre les zygomatiques. Bleu les paupières, sourcils veloutés, vermillon aux lèvres. Robe moulante, elle flotte dans le noir. Pulsation du coeur, un rétrécissement à chaque battement. Le manque d’air aplatit ses poumons, resserre la cage thoracique. À tâtons dans l’obscurité, les doigts suivent l’épaisseur du rideau, un pas, puis deux, puis trois... Jusqu’au vide, la scène béante, un trou de lumières.


807 paires d’yeux figés dans un silence épais comme une attente, suspendus à ses lèvres. Elle articule un son, sa voix soulève des spasmes à lui faire éclater la cage thoracique. Pas le moment de flancher. S’amarrer à la feuille, les mots qui déferlent, un torrent cacophonique. 706 paires d'yeux écarquillés. Se ressaisir. Elle plante son regard dans la 605e paire d’yeux interloqués. Ça s’agite autour d’elle. Tenir le cap quand ils s'éclipsent, laissant derrière eux 504 paires d’yeux liquéfiés. Poursuivre, quand 403 paires d'yeux médusés la dévisagent. Se cramponner, malgré la porte qui bat aux vents et ces 302 paires d'yeux effrayés. Reprendre son souffle. Une pause. Elle remet ça, la tête enfouie dans la feuille, faire fi des 201 paires d’yeux terrassés, et tant pis si 100 paires d’yeux la toisent...


Ça va mieux, on dirait. La voix s’est posée, le palpitant au repos. Un dernier texte, donc. Inspiration suspendue... alors qu’elle cherche vainement une paire d’yeux à laquelle se raccrocher.

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