dimanche 28 février 2010

#40 – Nénuphar mort sur un lac d'or

Chaque jour j’ai pointé sur le cœur d’une fleur
La lance de mon feu, l’éclaboussant de mort
Aujourd’hui je la perce et nul ne la déplore
Sur son lit de blancheur que d’or encor j’effleure


J’exècre ces pastilles que l’on dispose dans les urinoirs. Tout en elles m’horripile : leur couleur rose pastel, leur parfum chimiquement floral et, surtout, leur forme de fleur schématique qu’un gamin aurait dessinée. Chaque détail se voudrait printanier, léger, pur ; tout cet artifice voudrait évoquer la nature et nous faire oublier l’urine. Pourtant, rien qui souligne autant que je suis ici aux chiottes pour éliminer un déchet qui inspire le dégoût. Sans cet arsenal de niaiserie et de kitsch chimique, que ce serait bon de pisser. Aussi, chaque jour, je vise de mon jet d’urine le centre de cette pastille rose qui à chacune de mes visites ressemble de moins en moins à une fleur. Enfin, la voici transpercée, de part en part. Bientôt, il n’en restera sur la faïence blanche qu’un fragment rose et difforme baignant dans une flaque jaune.


Sur mille quatrains, huit cent sept naissent de la sublimation du vulgaire.

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