vendredi 19 février 2010

#31 – 807 fois, Emma

Le besoin de s’échapper avait pris place au creux de son corps à l’enfance. Tant de fois, elle s’était surprise à y penser... Orpheline de mère à huit ans, sans destin déjà et cette envie de fuir qu’elle ne comprenait pas. Et, chez les Sœurs, les livres comme évasion.
Emma avait imaginé, prévu, joué et rejoué la scène. Toujours la nuit, souvent accompagnée de Rodolphe, parfois de Léon. Peut-être même d’Homais, si seulement elle avait osé se comporter en vraie garce... Jamais elle ne voyait Charles, ce nigaud que le sort lui avait fourgué comme mari. À force de nourrir son esprit des fugues à venir, elle avait fini par y croire. Mais pour une femme, impossible de partir seule.


« L’illusion est le privilège des lâches ! »
Petite phrase anodine entre deux hommes élégants, volée par hasard le soir du bal à la Vaubyessard. Son existence médiocre ainsi révélée.


Huit cent sept fois, elle a songé à fuir sa vie. Et ce soir, à la huit cent huitième, Emma est toujours là. Le flacon tremble dans sa main. « Tant pis ! » s’exclame-t-elle avec fièvre, avant d’en avaler le contenu.
Arsenic, quel étrange amant pour une fuite irréversible...

1 commentaire:

tatiedanielle a dit…

Superbe! Flaubert en pâlirait!