vendredi 11 juin 2010

#142 – Green Peace Corpse

Il se baissa et commença à ramasser, picorant de ses doigts gantés, avec précision, quelques brins d’herbe à la fois, qu’il déposait délicatement dans un sachet d’échantillons. Loin de songer à les compter (quelle idée bizarre !) il mettait toute son attention à les identifier. Le banal Ray Grass, l’idéal de toute pelouse anglaise, était banalement concurrencé par le cynodon dactylon ou chiendent « pied de poule ». Une saloperie, bien moins chic que son surnom à la My Tailor is Rich, mais capable de rester vert en été sans arrosage. La pincée suivante rapporta du paturin des prés et de la fléole bulbeuse, beaucoup plus prometteurs. Quelque chose se dessinait. Il adorait cette excitation-là. Il se pencha une fois de plus et bingo ! C'était bien de l’agrostide qu'il venait de cueillir !


Le paturin commun, espèce récente sur le marché français, résiste à l'ombre mais est très sensible au piétinement. La fléole bulbeuse possède un bon comportement hivernal et une bonne résistance au piétinement et à l'arrachement, qualités qui en font une espèce intéressante à introduire dans les mélanges pour terrains de sport. Ses graines de très petite taille (3000 à 4000 graines au gramme) nécessitent un travail fin du sol, des soins particuliers au semis. Cette espèce est très peu commercialisée. Les différentes espèces d'agrostides donnent un gazon très dense, très fin, qui accepte des tontes fréquentes. Délicates à semer, exigeantes en entretien, elles sont surtout utilisées par les professionnels, en particulier pour les greens de golf.


Il se relut, corrigea deux coquilles et envoya par courriel son rapport avant de l'imprimer. L’examen des vêtements de la victime démontrait qu’avant d’avoir été déposé dans la décharge où on l’avait retrouvé, le cadavre avait été traîné sur le dos dans une pelouse où se mariaient fléoles bulbeuses, paturin et agrostides. En tant qu’expert international des systèmes herbagers, il ne pouvait théoriquement s’avancer plus. Mais l’habitué du golf local pouvait décrocher son téléphone pour suggérer aux détectives qu’Éric Chevillard avait dû recevoir sur la tête un coup de pitching-wedge, un fer absolument nécessaire sur le parcours 8, situé sous des arbres, à l'ombre et à l’abri des regards, mais aussi à côté du chemin de service, donc dans une zone de passage intense. Et pour être plus précis, vraisemblablement pendant qu’il s’attaquait aux difficultés du 807e trou.

4 commentaires:

Christophe Sanchez a dit…

807 trous ! ça c'est du green ! :)

Unknown a dit…

On voit qu'il y en a qui n'ont pas de mal à se documenter in situ!
Et, en prime,idée excellente et amusante

Anonyme a dit…

J'ai l'impression que ça se fume, toutes ces herbes? N'est-ce pas Magali....

Joël H a dit…

Anonyme est Joël H...