mercredi 5 mai 2010

#105 – L'idiot créa la femme

Il plonge un cheveu dans la peinture – un jaune pâle obtenu de poudre d'œuf, d'arsenic, de plâtre et d'un liant – afin de rajouter un cheveu encore à ce portait de Brigitte Bardot qu'il peint, très finement, cheveu par cheveu presque, et qu'il considère tous les jours, le matin après s'être levé, dans son atelier ouvert sur la garrigue et les cigales, comme encore infiniment inachevé.


Il peint alors un cheveu supplémentaire sur ce crâne qui en comporte déjà 807 – cela fait plus de deux ans déjà qu'il s'adonne à cette passion – tout en se disant que quelque chose cloche encore dans cette peinture, qu'il n'y reconnaît pas l'idole, quel que soit le soin qu'il a toujours dévolu à cette ultimité.


Brigitte Bardot aurait été là, se dit-il, j'aurais pu emprunter à sa toison superbe de superbes pinceaux quotidiens pour la peindre toujours plus superbement, alors que là, usant des seuls moyens que me procure mon corps, inexorablement je me dégarnis. Mais aurait-elle été là, se dit-il encore, nous serions malheureusement arrivés de conserve à une espèce de voie moyenne – la pire des choses, toujours, mais tellement efficiente –, cruelle équivalence qui ferait prendre le pas à l'égalité du rêve sur l'inégalité des choses comme elles sont. Bardot tu es chauve, se dit-il, mais fais-moi confiance, je vais tout faire pour toi, bien comme il faut.

1 commentaire:

M agali a dit…

Il est au poil ce texte.
Sauf qu'il ne dit pas si le tableau est un nu et si BB est à poil?
Dans ce cas, j'espère pour le moral du peintre qu'il peaufine la version années 60...